L’impact de la crise sanitaire sur la santé mentale des citoyens fait l’objet de reportages et études. Détresse et dépression en sont les constats saillants et concernent l’ensemble de la population. Le besoin de lien social se révèle criant. Interview de Jean-Marc Priels, psychothérapeute.
Une étude de l’UCLouvain et de l’UAntwerpen, portant sur les mois d’avril à novembre 2020, révèle des chiffres inquiétants : sur les 6.337 personnes interrogées, en mars-avril (en plein lockdown), près d’un citoyen sur deux a été mesuré en état de détresse psychologique. C’était le cas d’une personne sur trois en juin, mais à l’automne, en pleine seconde vague, on revenait aux statistiques de mars-avril.
Pour évoquer cet état de crise psychologique et sociale, nous avons interviewé Jean-Marc Priels, psychologue clinicien et psychothérapeute à la Clinique Sans Souci et au Nouveau Centre Primavera, facilitateur du groupe de parole du Funambule à Jette.
« La crise sanitaire a eu un impact considérable sur la santé mentale de tout un chacun comme de la société dans son ensemble. C’est un peu comme si nous avions été soumis, sans préparation, à une anxiété traumatique collective. Nombreuses étaient les personnes qui ont ressenti, même à leur insu, comme un état de sidération face à l’ampleur de la crise. L’impact était personnel autant que mondialisé.
Reliance, alliance, déliance
Je voudrais aborder ici trois axiomes sociologiques qui ont été fragilisés. La première est celle de la reliance psychologique et sociale. Il s’agit de l’harmonie dans le lien que l’on entretient avec soi-même et avec les autres. Ces dimensions ont été questionnées par la problématique de la distanciation sociale. La crise a aussi impacté d’autres axes de reliance : physique avec notre corps, culturelle, écologique avec la nature et spirituelle ou religieuse …
La deuxième notion, est celle de l’alliance, ce besoin que l’on ressent de se lier aux autres et qui, chacun le ressent, est mis à mal dans le contexte actuel. Le troisième concept, c’est la déliance, c’est-à-dire la coupure entre soi et les autres, la rupture. La mort en est la réalité ultime. N’oublions pas que pas mal de couples se sont séparés durant cette crise, les violences intrafamiliales ont parfois affecté des enfants, les relations employeurs-employés, enseignants-enseignés ont été modifiées, etc. La préservation des rapports humains avec les autres demande une adaptation continue. Si nos cartes de banque sont désormais sans contact, il est facile de constater qu’une réelle fracture sociale et numérique ne comble pas notre besoin de vraies relations. Un climat général d’érosion du lien social technicisé capte nos habitudes et nos comportements.
Notre monde a grand besoin d’une politique relationnelle basée sur le contact, la confiance et la présence. Le contact et le lien seront nos remèdes ».
Propos recueillis par Franca Rossi