Le projet “Patient-formateur” de la LUSS réunit enseignants, étudiants et patients
Depuis 2019, la LUSS (Ligue des Usagers des Services de Santé), qui fédère les associations de patients et de proches en Belgique francophone, mène un projet « Patient-formateur ». Le principe : des patients et aidants proches vont à la rencontre d’étudiants futurs professionnels de la santé, en collaboration avec leurs enseignants. Un apprentissage pour les trois parties intervenant dans le processus.
Cassandre Dermience, chargée de ce projet pour la LUSS, nous en parle : « Des patients allaient depuis longtemps dans les écoles afin de parler de leur association mais ce qui a formalisé toutes ces initiatives, c’est un appel à projets de la Fondation Roi Baudouin en 2019. Effectivement, des enseignants souhaitaient que les patients parlent de leur vécu avec la maladie et donnent leur avis sur des thématiques comme les relations soignant-soigné, l’empowerment, l’éducation thérapeutique du patient, etc. C’est ainsi que le projet « Patient-Formateur » est né, avec comme objectif de partager l’expertise des patients aux étudiants et de favoriser le partenariat patient. « Patient-Formateur » se déroule principalement dans les hautes écoles (dans les provinces de Liège, Namur et du Hainaut), avec des étudiants infirmiers mais aussi à l’ULiège et l’UCLouvain. Nous collaborons actuellement avec une quarantaine de patients-formateurs et nous leur proposons une formation de cinq jours : deux dans lesquels nous intervenons, ma collègue Claire et moi et qui portent sur une réflexion quant à la fonction de patient-formateur, l’impact de la maladie sur le quotidien, le rôle des aidants proches, … On amène aussi les participants à poser des mots sur ce qu’ils ont à dire. Les trois autres journées de formation incluent des techniques d’animation de groupe, de prise de parole, d’andragogie (pédagogie pour adultes). De nombreuses associations de patients participent aux formations et aux interventions dans les écoles. ».
Au Funambule, Nathalie, Xavier et Greg prennet part au projet
Nathalie y participe depuis 2022 et elle est enchantée. « Les étudiants sont toujours intéressés par les thématiques qu’on aborde, on sent qu’ils sont preneurs de ce genre d’initiative. Ils font des rapprochements avec des cours théoriques qu’ils ont eus. Je préfère fonctionner en binôme car, quand on est seul, c’est un peu compliqué. C’est important de dire qu’on représente toutes les associations, pas seulement le Funambule. Il y a des sujets qui nous concernent tous, comme l’importance de bien suivre son traitement médicamenteux, par exemple. ».
Xavier nous fait part de son expérience :
« La formation de la LUSS est très intéressante, on a appris, par exemple, comment être pédagogues de son vécu de patient. Avant de commencer ma fonction de patient-formateur, je suis d’abord allé comme observateur dans une haute école de Verviers. J’ai assisté à l’intervention de Véronique Tshiamalenge, de l’association représentant les patients atteints de dépranocytose (maladie qui attaque les globules rouges). C’était vraiment instructif. J’ai aussi fait la connaissance d’Eric Jonckheere, responsable de l’ABEVA, qui défend les droits des victimes de l’amiante. Il a obtenu gain de cause face à la société Eternit. Avec ce projet de patient-formateur, je me rends encore plus compte que les associations, par leur combativité et leur connaissance de la maladie, obtiennent des avancées. Cela a été le cas au Funambule avec Stéphane et Cécile, qui avaient tout mis en œuvre pour qu’un médicament, dont le prix avait triplé, soit remboursé. Le rôle de patient-formateur me permet aussi de mettre à profit ma « double casquette », de patient et d’infirmier. Je connais bien ma maladie, ses causes, ses symptômes, je donne des modules de psychoéducation, pour favoriser l’autogestion de la bipolarité. La loi sur les droits du patient, par exemple, qui était nécessaire, nous, associations de patients, on en connaît les failles et on peut donc mener notre mission ensemble. Les étudiants infirmiers sont très intéressés par toutes les thématiques que nous abordons, ce sont des échanges enrichissants pour tous. ».
Greg apprécie également le programme de formation de la LUSS et le fait que les intervenants dans les écoles soient bien encadrés par cette fédération. Il explique : « Patient-Formateur permet de conscientiser les futurs professionnels de la santé. Pour mener à bien notre mission, on doit se tenir informés de l’actualité. Avant chaque intervention, on fait un briefing avec les enseignants. Ce que j’apprécie, c’est la complémentarité entre ce projet et l’animation des groupes de parole : dans le premier cas, on rencontre des professionnels, dans le second, des patients et des proches. ».
Du côté des enseignants, Catherine Dans, maître assistante à l’HELMO (Haute Ecole Libre Mosane), doctorante Partenariat Patient – FSP UCLouvain – IRSS et chargée de cours dans un master en pratique avancée pour infirmiers à l’ULiège, coenseigne avec des patients-formateurs. « Je donnais des cours en collaboration avec des patients et, il y a 8 ans, Sophie Caubo de la LUSS m’a contactée. Les choses se sont donc formalisées et développées, la LUSS intervenant par exemple dans le recrutement de patients-formateurs, la formation et le suivi du projet. Nos rôles sont complémentaires. Cette collaboration repose sur le triangle étudiant-patient-enseignant. J’avais dit que si une des trois parties n’était plus prenante, on arrêtait le projet. Mais les évaluations sont à chaque fois très positives. On accueille environ une vingtaine de patients, avec lesquels on coconstruit les cours, tant sur le fond que sur la forme : qu’est-ce qu’on veut dire et comment on va le dire. Outre les techniques pédagogiques (comme le brainstorming, l’utilisation de la vidéo pour ouvrir le débat, les vignettes cliniques, etc.), on aborde cinq thématiques : la présentation de l’association, vivre avec une maladie chronique, la relation de confiance soignant-soigné, les aidants proches et l’éducation thérapeutique du patient (comment l’infirmier doit l’accompagner pour qu’il aille vers l’autogestion). Le co-enseignement avec des patients-formateurs apporte une valeur ajoutée capitale parce qu’il change fondamentalement le regard que chacun porte sur l’autre. Les étudiants voient les compétences du patient et le patient voit la complexité du métier d’infirmier. Il y a beaucoup de respect et de valorisation. C’est un apprentissage dans un contexte de respect. J’apprends aussi à chaque séance beaucoup de choses. ».
Propos recueillis par Franca Rossi